Rebaptisé « Preligens », l'expert en intelligence artificielle pour les services de renseignement lève 20 millions d'euros auprès de Ace, Definvest et la star française du cloud Octave Klaba. La start-up en hypercroissance fondée par deux anciens d'Airbus et Areva vise 10 nouveaux pays dans dix-huit mois, après avoir pris pied auprès des administrations américaine, britannique et européenne ainsi que de l'Otan.
Les start-up de défense et du renseignement ne sont plus le domaine réservé des fonds étrangers . Harponnée il y a quelques mois par le fonds de la CIA In-Q-tel qui l'a très vite repérée, la pépite d'intelligence artificielle pour les services de renseignement Earthcube a réussi à résister. Elle a fini par décrocher des soutiens financiers « souverains » : elle boucle la levée de 20 millions d'euros en série A sous signature tricolore. Les fonds Ace Management, géré par Tikehau, et Definvest piloté par le ministère des Armées entrent au capital de la start-up, aux côtés de son management toujours en contrôle, et de son investisseur historique 360 Capital. Le cercle s'ouvre aussi à un autre investisseur très emblématique de la tech tricolore : Octave Klaba, à l'origine de la star française du cloud OVH .
Marqueur de ce nouveau virage franchi par la deftech, la ministre des Armées doit faire le déplacement en personne ce jeudi chez Earthcube. « Les applications de cette pépite nationale sont primordiales pour le domaine de la défense. Sans elle, nous ne verrions pas certaines choses. C'est une vraie success-story à la française, la start-up d'hier est désormais un leader européen réunissant des compétences très complexes, participant directement à notre souveraineté nationale », se félicite Florence Parly à l'occasion de cette levée, sans davantage de précisions sur ce rôle dans les opérations en cours.
Préserver un capital 100 % français
La défiance des fonds d'investissement pour les technologies de la défense est, elle, bien levée. « Après une traversée du désert et une forte réticence des fonds français à investir, nous avons convaincu l'écosystème du capital-risque par notre hypercroissance, explique Arnaud Guérin, le CEO. Peu de start-up dans le civil ont connu une multiplication par seize de leur chiffre d'affaires en deux ans avec un passage au point d'équilibre… La vraie réticence des fonds vient de là. Les technologies de la défense ne font plus peur. »
Pour cette série A, l'entrepreneur explique avoir conduit des discussions avancées avec des fonds français et étrangers, notamment européens, « mais nous avons fait le constat que nous pouvions préserver le caractère souverain de nos services avec un capital 100 % français, en restant compétitif et ambitieux à l'export avec des partenariats opérationnels locaux ». Dans 18-24 mois, quand Earthcube repartira en levée pour des montants plus importants, son dirigeant se dit confiant dans la capacité de mobiliser plus loin encore l'écosystème français du capital-risque.
Acquisitions en vue
Désormais rebaptisé « Preligens », Earthcube s'est donné une feuille de route qui dépasse de loin la seule géo-intelligence par image satellite : il veut s'imposer en un acteur global de l'anticipation par le renseignement pour les forces armées par l'analyse croisée de multiples sources (images, électromagnétiques, données des réseaux sociaux, etc.) et capteurs (radars, systèmes de défense antiaériens...). Actif auprès des services opérationnels de cinq puissances - la France, les Etats-Unis, l'OTAN, l'Union européenne et le Royaume-Uni -, la pépite s'est donné dix-huit mois pour s'ancrer auprès de dix nouveaux pays de la communauté de l'Otan et de ses alliés.
Mais « notre croissance passera aussi par des acquisitions pour capter certaines technologies ou entrer sur de nouveaux marchés en France mais aussi à l'étranger », prévient Arnaud Guérin, qui n'entend pas se laisser distancer par des acteurs industriels installés.