Comment Flaminem veut aider les espions français

Une start-up hexagonale dirigée par un proche d'Emmanuel Macron veut proposer une alternative aux technologies américaines.

La guerre du futur se conjugue au présent. Des visiteurs équipés d'un casque de réalité virtuelle se déplacent dans une zone de conflit. Plus loin, des drones de reconnaissance et des robots de combat trônent sur des stands, prêts à être vendus aux militaires. Au milieu des démonstrations du Salon international de la défense et de la sécurité à Villepinte (Seine-Saint-Denis), Eurosatory, un jeune homme sur une estrade prend la parole pour présenter une autre forme de lutte, basée, elle, sur l'information. D'emblée, il engage les hostilités. "Nous travaillons avec 30 gouvernements afin de les aider à interpréter et à visualiser des éléments pertinents cachés dans de grands volumes de données, parfois pour leurs services de renseignements, explique Gautier Cloix, directeur délégué de la filiale hexagonale de l'américain Palantir. Cela fait quinze ans que nous existons. Certains aimeraient voir émerger une alternative nationale, mais, à mon avis, c'est une mauvaise idée, un peu comme s'il fallait développer un iPhone ou une PlayStation made in France."

La charge vise une représentante d'une start-up hexagonale, Flaminem, invitée à la discussion, mais qui s'est éclipsée au dernier moment. Gautier Cloix, le représentant de la société californienne, créée en 2003 par Alex Karp, ne voit pas comment les Frenchies pourraient avoir les moyens de rivaliser avec ce mastodonte de l'analyse massive de données, déjà valorisé 20 milliards de dollars. Après tout, Palantir s'est forgé une belle réputation en aidant, paraît-il, à localiser Oussama ben Laden. Un fait d'armes jamais confirmé. En revanche, plusieurs grands groupes, comme Axa ou Airbus, ont, eux, bien fait appel à ses compétences. Mais c'est un autre contrat, signé avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui a créé une polémique en 2016. Comment un service de renseignements français pouvait-il s'équiper d'une technologie américaine, financée à ses débuts, qui plus est, par le fonds d'investissement de la CIA, In-Q-Tel ?

"On ne peut plus faire confiance aux Etats-Unis"

"Ce fut un déclic, on ne pouvait pas laisser faire cela, explique Edouard Tétreau, essayiste et conseiller de dirigeants d'entreprise. Imagineriez-vous des groupes stratégiques dans le domaine de la dissuasion nucléaire confier leur comptabilité à des cabinets d'audit américains et voir leurs données sensibles partir à Washington ?"

Le quadragénaire tente alors de soutenir une initiative hexagonale au travers d'une toute jeune pousse, Flaminem. Fondée en 2013 par Thomas Serval, un ancien de Google, et Matthieu Delporte, cofondateur de la start-up Baracoda, spécialiste des objets connectés, l'entreprise tire son nom de "flamines", des prêtres de la Rome antique attachés au culte d'un même dieu. Ses technologies étaient initialement destinées au domaine de la finance afin de prédire des défauts de paiements ou des comportements d'achats des clients en interprétant de grandes masses d'informations. Mais elles tentent, depuis peu, de s'adresser aussi au monde de la sécurité et du renseignement.

Un virage initié par Guillaume Prunier, arrivé l'an dernier. Cet ancien conseiller d'Emmanuel Macron, chargé de l'innovation lorsqu'il était à Bercy, a rejoint la société en 2017 à la demande de Thomas Serval, pour en prendre la direction générale. "Il est venu me voir avec Edouard Tétreau pour me présenter leur projet, et j'ai tout de suite accepté de les aider, se souvient Alain Juillet, ancien directeur du renseignement à la DGSE et président-fondateur de l'Association de lutte contre le commerce illicite. De nouvelles lois américaines permettent aux autorités de récupérer toutes les données du monde entier stockées par Microsoft ou Google (le "Cloud Act"), et le président Trump peut briser n'importe quel accord avec un pays du jour au lendemain. On ne peut plus faire confiance aux Etats-Unis."

Parce qu'elles partagent ses inquiétudes, d'autres personnalités ont rejoint le comité stratégique de Flaminem : l'ancien PDG de la Société générale, Daniel Bouton, l'ex-dirigeant de Pernod Ricard, Pierre Pringuet, ou encore le chef d'état-major des armées sous Nicolas Sarkozy, Edouard Guillaud. Cet aréopage n'a pas encore permis de lever davantage d'argent pour accélérer son développement. La start-up, qui estime ne pas concurrencer complètement Palantir, pense pouvoir pallier son retard avec des moyens supplémentaires. L'américain est en quasi situation de monopole avec plus de 500 millions de dollars déjà investis dans son développement et des filiales présentes un peu partout sur la planète. "Mais les barrières techniques et financières se sont affaissées, estime Thomas Serval, président de Flaminem. Les grands groupes d'Internet ont mis en libre circulation des briques technologiques que nous avons pu réutiliser."

"Un enjeu de souveraineté européen"

Flaminem, financée jusqu'ici par sa maison mère, Baracoda, et plusieurs business angels, cherche à signer des contrats avec des ministères régaliens. La Direction générale de l'armement (DGA) préfère, pour l'heure, travailler avec de grands groupes de service informatique, comme Atos ou CapGemini, et elle vient de lancer son propre programme d'analyse des données massives, Artémis, en sélectionnant pour la première phase de création Thales et Sopra Steria. A ses débuts, Palantir avait pu bénéficier d'importants contrats d'Etat pour se lancer. "Il s'agit d'un enjeu de souveraineté européen, mais la volonté politique ne s'est pas encore traduite dans les actes, regrette Guillaume Prunier. Nous devons maîtriser les technologies du domaine du renseignement, mais aussi celles de la régulation financière. Regardez comment les Américains arrivent déjà à imposer leurs lois en deh30ors de leurs frontières."

Source : L'expansion

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